CARLOTTA LATINI (UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI MACERATA).
La question du droit d'asile dans le ius publicum ecclesiasticum
de Van Espen.
La question du droit d'asile chez Van Espen et dans son Ius ecclesiasticum universum assume un rôle significatif si l'on considère sa vision peu favorable aux privilèges du clergé et de l'église.
La reconnaissance de deux espaces d'autonomie, un pour le pouvoir laïc
un autre pour l'ecclésiastique, pourrait se résumer à ces
fameuses paroles: «Rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu
et à César ce qui appartient à César», et
constitue en somme, le point de départ de sa réflexion en matière
d'immunité.
Nous décrirons le droit d'asile dans les églises, à travers
l'indication de deux moments principaux: l'asile comme intercessio épiscopal
et l'asile comme privilegium, c'est-à-dire comme immunité locale
et donc élément qui prend part au projet de réorganisation
juridique de l'église et de formation de ius publicum ecclesiasticum.
A l'origine du choix entre l'une et l'autre définition, il existe sans
aucun doute une autre conception « politique» de l'asile, un mode
différent de comprendre la question du refuge dans les églises.
Une lecture attentive des changements que certaines réalités peuvent
subir - comme celle de l'asile, dont l'origine est essentiellement religieuse
- suggère de considérer l'asile comme intercessio dans la phase
initiale de son emploi. C'est plus tard qu'on l'appellera immunitas localis
lorsque l'institution assumera des caractéristiques purement juridiques
et acquerra la structure du privilegium. Tout cela le portera à constituer
un des éléments fondateurs de la libertas ecclesiae.
La position de Van Espen confirme cette conception du droit d'asile: sa dissertation
commence justement avec une réflexion sur les origines de l'asile et
sur l'activité que les évêques exerçaient en faveur
des criminels, auprès des princes locaux, afin d'obtenir miséricorde
ou indulgence et ainsi la relaxatio de la poena sanguinis. Cette conception
du droit d'asile est imprégnée de l'idée que la décision
en matière d'asile dépend entièrement du ressort du prince
séculaire.
Tout au long de la Dissertatio, Van Espen ne se sépare pas de cette idée,
qui tire ses origines de l'immunité locale : en effet, de l'avis du canoniste,
il n'y a aucun doute - du moins pour les Pays-Bas - qu'une coutume aussi ferme
reconnaisse au prince séculaire une compétence exclusive pour
le droit d'asile.
Durant toute la dissertation, la description de l'institution faite par Van
Espen, oscille entre la compréhension, l'appréciation positive
de l'intercessio et la condamnation explicite de ce que l'asile est devenu par
la suite: un privilège et donc un instrument politique dans les mains
de la hiérarchie ecclésiastique.
Un des points les plus significatifs que l'auteur affronte au cours de la Dissertatio
est certainement celui qui concerne les conflits entre la iurisdictio séculaire
et la iurisdictio ecclésiastique : nous examinerons le droit d'asile
sous cet angle en faisant tout particulièrement référence
à trois questions principales :
1. Avant tout, nous observerons comment Van Espen met en évidence l'importance
des coutumes locales, pour lesquelles, dans le cas où l'autorité
écclesiastique soit lésée dans ses droits par la curie
laïque, c'est au juge supérieur séculaire de recevoir ses
plaintes. L'auteur rappelle l'habitude d'avoir recours à des concordats
locaux, stipulés entre l'église « indigène »
et l'autorité de Charles V: Van Espen fait allusion en particulier au
concordat Brabantino et à celui de Haynault; il s'agit, comme l'auteur
n'oublie pas de le dire, de concordiae qui ne sont jamais ratifiées par
le Saint-Siège.
L'autonomie intellectuelle de Van Espen se manifeste aussi à travers
l'absence totale de référence à l'éventualité
de s'en remettre à la Congrégation de l'immunité ecclésiastique,
organisme qui agissait désormais depuis des années, et qui avait
une compétence exclusive en matière de conflits juridictionnels;
on désavouera tout caractère obligatoire - se basant toujours
sur les coutumes - de l'autorisation épiscopale (licentia episcopi),
nécessaire pour emmener le coupable hors du lieu sacré.
2. Un autre aspect d'un intérêt considérable concerne l'appel comme d'abus qui aurait sanctionné - sur les territoires de zone française mais aussi sur ceux des Pays-Bas - la possibilité de recourir au juge séculaire contre le décret du juge ecclésiastique, dans le cas où il fut rendu « injustement ». Le caractère brûlant de cette institution apparaît alors évident, surtout si l'on considère la possibilité de recourir à la curie laïque contre les censures ecclésiastiques. Grâce à l'appel comme d'abus, il était possible de freiner l'accès de la discipline « étrangère » c'est- à - dire pontificale, au sein de ses propres territoires tout en bloquant son exécution. La question des conflits juridictionnels reste vitale pour tous les pays catholiques, étant donné la coexistence de systèmes juridiques variés et souvent dotés de potestates et de prérogatives similaires : la solution fut pendant longtemps celle de la persistance de différentes iurisdictiones sur un même territoire. Si les désaccords étaient inévitables vue la condition de « condominium », il est vrai aussi que la société des anciens régimes, organisée sur la base de l'idée du privilegium, permettait la coexistence de plusieurs pouvoirs.
3. Pour finir, Van Espen toujours dans la Dissertatio, traite la délicate
question de la réception de la Bulle pontificale Cum alias, datée
de 1591 par Grégoire XIV : elle fut la cause de conflits fréquents
avec le pouvoir séculaire, qui opposa dans de nombreux cas une forte
résistence à son application. Il est intéressant de voir
comment l'Auteur signale depuis le début la valeur « polique »
de la Constitution uniquement destinée à faire en sorte :
Omnia, quae hanc immunitatem spectant, iudicibus ecclesiasticis submittere,
et omnia a potestate ecclesiastica reddere.
Le cadre qui émerge globalement de la discussion de Van Espen est celui
d'une réalité dans laquelle l'asile connait une discipline en
partie différente de celle imposée par l'église romaine.
Le processus de réorganitation juridique de l'église et de la
formation du ius publicum ecclesiasticum donnent naissance à de sensibles
« caractérisations » de l'asile sacré ainsi qu'à
certains usages locaux.